La paroisse Notre-Dame, intra-muros, fut la seule des cinq paroisses guingampaises d’ancien régime à posséder des orgues. Elle en avait été dotée dès le Moyen Age. Cet “équipement collectif”, au même titre que les halles, l’horloge, la fontaine publique, était l’indice d’un fort degré d’organisation urbaine et des capacités financières d’une ville. Cela ne peut étonner d’une cité qui figure parmi les cinq plus peuplées de Bretagne avant la grande peste de 1481. Guingamp comptait alors plus d’habitants qu’elle n’en compte aujourd’hui. La ville tirait sa renommée et la plus grande part de sa richesse de ses foires et de ses productions de draps et de cuir.
En 1457, Charles Legay, “organiste et conducteur des orgues”, était déjà salarié par la communauté bourgeoise. Il reçoit, cette année-là, le jour du pardon de Notre-Dame, 50 sous pour une demi-année de pension[1] . Dix ans plus tard, l’emploi d’organiste sera bien mieux rétribué, signe d’une prospérité croissante de la ville. En 1468, le procureur des bourgeois fait marché avec maître Jehan Challoys, organiste, pour “gouverner les orgues de la grant esglise de Guingamp et aider au service pour et durant ugn an” pour le salaire annuel de 7 livres 10 sous[2]. Ce fut sans doute un emploi intérimaire, car dès 1470 le titulaire du poste était Dom Le Prateller. Situées à l’origine en la chapelle nord dite chapelle des morts, elles avaient été déplacées à une date inconnue au fond de la nef, sous la tour plate. Lors de l’effondrement de cette dernière, en 1535, elles furent totalement détruites.
Pendant plusieurs dizaines d’années l’orgue ne devait plus résonner en l’église. Le sacriste fut logé dans la maison de l’organiste dont on n’avait plus l’emploi[3]. L’urgence allait désormais à la reconstruction de l’édifice, à laquelle on travaillait encore en 1580. La ville, qui avait mal négociée la transition de l’économie drapière à celle linière, disposait de moins de ressources. La communauté cependant s’était dotée d’un nouvel instrument avant le déclenchement des guerres de la Ligue (1588-1590). L’organiste de Notre-Dame, appelé Jaffrelot, blessé lors du siège de mai 1590, avait été mis en pension, par les bons soins de Guillaume de Rosmadec, chez un chirurgien-barbier à Saint-Brieuc. Malgré les soins reçus, il meurt l’année suivante[4]. Au retour de la paix, les comptes municipaux témoignent de l’intérêt pour l’ornement musical des offices, pour le chant principalement. Mais on ne sait à quelle époque un nouvel instrument fut installé. En 1625, Me François Le Gardien est “estably par messieurs de la Communauté à la conduite de la musique pour estre chantée en l’esglise Nostre-Dame”. Jean Chambrin,“musicien”, est chargé, en l627, “ tant du culte du service divin que de l’instruction de la jeunesse”. Cela ne préjuge pas cependant de l’existence d’un instrument conséquent. De nouvelles orgues y avaient cependant été probablement installées avant 1627, puisque cette année-là Jean Chambrin est qualifié par le comptable “ d’organiste ” que François Le Gardué, musicien en la ville, était appelé à remplacer au pied levé. En 1629, Jullien Chotard, maître de musique de la ville, est gagé 36 livres par an “pour faire chanter la musique en l’église de Notre Dame et pour l’instruction de la jeunesse de l’école”, en supplément de l’organiste titulaire. A défaut ou en supplément de l’orgue, les offices religieux pouvaient être, à l’occasion, animés par d’autres instruments. Les ensembles ainsi formés pouvaient être parfois assez importants. Au faubourg de Sainte-Croix, le jour de la conjouissance pour la convalescence du Roi célébrée le 1er mai l687, la messe fut chantée en musique “au son de dix-huit violons, de la harpe et autres instruments”.
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