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Léandre VILAIN (1866 – 1945), organiste belge renommé

Originaire de Trazegnies où il naquit le 26 février 1866, c’est à Ostende en Belgique que Léandre Vilain s’illustre comme organiste : pour le culte à l’église principale SS. Pierre et Paul, et pour les mondanités au Kursaal. Il était issu d’une famille assez modeste, son père étant conducteur de travaux aux charbonnages de Courcelles. Sa mère s’appelait Thérèse Sabaut.  Est-ce le châtelain de Trazegnies où bien le prince d’Arenberg qui incita le père à inscrire son fils à un cours d’orgue ? Toujours est-il que le jeune Léandre devait montrer des dispositions certaines, car il se retrouva bientôt dans la classe de Jacques Nicolas Lemmens, à l’institut de Musique Sacrée que celui-ci avait fondé à Malines.
C’est à Heverlee, lors de la communion d’Engelbert d’Arenberg, fils du prince, que Vilain eut pour la première fois l’occasion de montrer son talent en public. A cette époque, il était organiste chez les Pères Joséphites à Louvain et faisait sa navette entre la ville universitaire et Malines. A la mort de Lemmens en 1881, Vilain gagna Bruxelles pour y suivre les cours d’Alphonse Mailly, titulaire de la classe d’orgue au Conservatoire. En 1886, il remporta le premier prix d’orgue, et son diplôme de fin d’études 3 ans plus tard ; il avait alors 23 ans.
En 1890, Auguste Wiegand, l’organiste titulaire de l’église principale d’Ostende, émigra à Sidney en Australie. Vilain se présenta pour occuper son poste et fut engagé à l’issue d’une épreuve. Charles Anneessens, de Gramont, venait d’y livrer 3 ans plus tôt un nouvel instrument à 3 claviers. C’est d’ailleurs ce facteur d’orgue qui aurait signalé à Vilain la vacance de la place. Cet orgue dont la conception aurait été inspirée de celui de la Salle du Trocadéro à Paris, disparut dans les flammes en 1896. Reconstruite, la nouvelle église reçut dès 1907 un nouvel orgue de Pierre Schyven ; sur ses trois claviers, Vilain put donner pleine mesure de son talent.
Vilain succéda aussi à Wiegand à l’orgue du Kursaal d’Ostende, alors la reine des cités balnéaires. Une vie mondaine et culturelle intense s’y était développée. Le Kursaal qui se trouvait au bout de l’avenue Léopold, en bordure de mer, abritait une vaste salle de concerts avec orgue. Cet instrument, une autre oeuvre de Charles Anneessens, avait été construit en 1888 ; il comptait 30 jeux répartis sur 3 claviers et pédale séparée, avec Gros Diapason ouvert 16’ au Grand-Orgue et chamade. Sous l’impulsion de Vilain, des concerts quasi journaliers s’y produisirent en saison. A leur programme figuraient surtout des arrangements pour orgue d’airs classiques à la mode ; Vilain était très doué pour ce genre sur lequel il bâtit d’ailleurs toute sa renommée. C’est sur cette base aussi qu’il noua des contacts internationaux. Invité à se produire au Kursaal, le célèbre organiste-compositeur parisien Charles-Marie Widor dédicaça à Vilain une partition de sa Symphonie Gothique.
Par arrêté royal du 3 septembre 1902, Vilain fut nommé professeur au Conservatoire Royal de Musique à Gand, succédant à Joseph Tilborghs, titulaire de la classe d’orgue depuis 1871.
Quand , en 1903, le poste de professeur d’orgue du Conservatoire de Bruxelles devint vacant de par l’admission à l’éméritat d’Alphonse Mailly, Vilain qui fut un de ses élèves postula. En réalité, il n’eut même pas l’occasion de concourir. Dès que Gevaert qui dirigeait alors l’institution apprit sa candidature, il écrivit au ministre de l’Agriculture (qui avait alors les Beaux-Arts dans ses attributions) : Il (Vilain) s’est fait, il est vrai, en Belgique et à l’étranger, une réputation brillante de virtuose, mais les seules qualités d’exécution, si brillantes qu’elles soient, ne suffisent pas à démontrer les aptitudes d’un organiste à remplir dignement les fonctions de professeur, (lesquelles) exigent des connaissances théoriques et critiques approfondies et spéciales mentionnées au programme du Concours que je vous remets. C’était le 16 février 1903. Nous laissons à Gevaert la responsabilité de cette appréciation. Nous nous permettons cependant de douter sa bonne foi, à partir du moment où c’est par le même courrier au ministre, qu’il transmit l’annonce de la démission de Mailly, les conditions du concours et ses raisons pour écarter Vilain. Ne voulut-il pas ainsi tuer le germe dans l’oeuf ? D’autant plus que des candidats moins brillants furent admis, au départ en tout cas. A la décharge de Gevaert, il faut savoir qu’à ce moment, le Conservatoire refusait d’engager les titulaires d’un poste similaire dans un établissement identique de province, ceci pour éviter d’affaiblir un établissement pour en favoriser un autre. On sait en effet que Vilain venait d’être nommé au Conservatoire de Gand. Cet article providentiel du règlement fait tel que Vilain ne fut même pas admis à concourir pour enseigner le cours d’orgue à Bruxelles. C’est un autre élève de Mailly, Alphonse Desmet, qui remporta l’épreuve. Vilain resta donc titulaire de la classe d’orgue du Conservatoire de Gand jusqu’à sa retraite, en 1931 ; c’est Flor Peeter qui lui succéda alors dans cette charge.
Signalons ici une marque d’honneur de sa commune natale. En février 1922, l’ingénieur-architecte Marcel Simon, de Trazegnies, demande au facteur d’orgue Kerkhoff à Bruxelles un devis pour le placement en location d’un orgue de 20 jeux à 2 claviers pour l’organisation d’une séance d’orgue avec Vilain, à la salle des fêtes de l’hôtel communal. Il precisa que cette manifestation était appelée à avoir un grand retentissement dans le pays, ajoutant qu’elle constituerait une réclame pour la maison Kerkhoff. Comme on le verra plus loin, il semble que c’est la maison Anneessens qui répondit favorablement.
En 1940, on fêta le jubilé de Vilain en tant qu’organiste de l’église SS. Pierre et Paul à Ostende. Une cérémonie eut lieu en son honneur le dimanche 3 mars. A cette occasion , une plaquette fut apposée au soubassement de l’orgue. Voici ce qu’on peut toujours y lire :
1890 Jubileum 1940
Maître Léandre Vilain
Fait chanter les orgues en l’église SS. Pierre et Paul
avec une incomparable maîtrise depuis un demi siècle
Dieu nous le garde – 3 mars 1940
La guerre de 1940 – 1945 mit fin à ses activités au Kursaal puisque la salle fut détruite avec son orgue. C’est le 16 novembre 1945 qu’après une courte maladie, Léandre Vilain mourut dans sa « Villa Widor » de l’avenue Van Iseghem : son enterrement eut lieu le 21.
Sa femme, Clara Van Weddingen (1874-1947) lui donna trois fils : Jean Marie (1904) Paul (1905) Charles (1914) et une fille Cecile (1908). On sait que Mme Vilain ne comprenait pas grand chose à son art, n’ayant pas la même culture.
Nous transcrivons ici un fragment des mémoires du peintre ostendais Antoine Schyrgrens qui connut bien Léandre Vilain : ” J’étais son voisin. Il habitait tout au haut du Boulevard Van Iseghem. Je l’épiais à l’heure où il passait sur la digue ; il tendait la tête vers mon 1er étage et c’était le signal, l’heure du concert d’orgues. Je l’accompagnais pour aller tourner les pages de vieilles feuilles jaunies, poisseuses, que j’arrivais péniblement à décoller. Fantaisiste à ses heures, les morceaux les plus profanes étaient interprétés avec tant de mesure, lorsqu’il jouait à l’église St-Pierre et Paul, qu’ils incitaient au recueillement. Sur ses indications, j’enfonçais les registres durcis d’un instrument qui n’était plus en très bon état et j’observais la figure émaciée de l’artiste avec ses réactions et ses froncements de sourcils.
Tout en jouant, il me faisait ses confidences. « Vous avez de la chance, me dit-il un jour, au beau milieu d’un passage de ‘Judex’, de pouvoir manger de la soupe ; chez moi, on ne m’en fait jamais » J’entendais deux Vilain mais ceux qui étaient là agenouillés dans l’église n’écoutaient que le grand artiste, qui les transportait vers les plus hautes cimes“.
On venait l’écouter le dimanche à la messe d’onze heures et demie. Et lorsque l’office était terminé, on sortait comme à regret. Il me demandait quelquefois de lui désigner un morceau de mon choix. Je lui soufflais à l’oreille le nom de Rubenstein. Et pendant l’élévation on entendait un Rubenstein transposé en chants religieux pour oreilles profanes. Devant mon air satisfait, il ajoutait en se penchant de mon côté : « C’est une petite blague ! » Il me l’a joué(e) souvent cette petite blague-là et avec quel art !
En tant qu’artiste en vogue, Vilain donna de nombreux concerts tant en Belgique qu’à l’étranger : ainsi à Londres, Rugby, Manchester, Glasgow, Marseille, Rome, Alger… En 1920, il entreprit encore une tournée de concerts en Espagne.
Vilain fut aussi compositeur, mais cette facette de ses activités demanderait une étude spéciale. Contentons-nous de signaler sa « Marche Funèbre », une « Invocation » et un « Alleluia ».
Il inaugura quantité d’instruments dont la liste non exhaustive apparait dans les archives nationales.
 
Jean-Pierre FELIX
 

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